samedi 23 août 2014

L’abus de faiblesse ou d’ignorance du consommateur, infraction sans définition légale !

Parmi les infractions que la loi n°31-08 sur les mesures de protection du consommateur a institué figure en bonne place une nouvelle infraction dénommée « abus de faiblesse ou d’ignorance du consommateur ». Cette nouvelle infraction invite à se poser deux interrogations intimement liées : Qu’est-ce que l’abus de faiblesse ou d’ignorance du consommateur (I) et quel est le régime juridique qui lui a été dédié dans la loi n°31-08 (II)?

   I. Définition de l’abus de faiblesse ou d’ignorance du consommateur  
La loi n°31-08 ne prévoit aucune définition légale pour l’abus de faiblesse ou d’ignorance du consommateur. Cela signifie, qu’il appartiendra aux juridictions judiciaires de caractériser cette infraction.  Certes, sur le plan civil, cette caractérisation judiciaire ne posera aucun problème, car le pouvoir d’appréciation des juridictions a toujours permis la définition et la précision des règles légales ne figeant pas le contenu de certaines notions dont dépend leur application.
Mais en est-il de même, lorsqu’il s’agit de tirer les conséquences légales de l’abus de faiblesse ou d’ignorance sur le plan pénal, car l’article 184 de la loi n°31-08 pénalise l’abus de faiblesse ou d’ignorance ! serait-il donc normal de permettre aux juridictions pénales de définir les différents éléments de l’infraction de l’abus de faiblesse ou d’ignorance du consommateur, en vue d’en sanctionner les auteurs, à défaut de la définition, dans la loi et par la loi, de l’ensemble des éléments de cette infraction ? La légalité appréciée rigoureusement en matière pénale ne permet certainement pas de transférer le pouvoir légal au pouvoir judiciaire.
On pourrait être tenté de soutenir que faute d’une définition légale complète et précise par la loi n°31-08 des différents éléments de l’infraction de l’abus de faiblesse ou d’’ignorance du consommateur, rien n’empêche de recourir à l’article 552 du code pénal pour combler le vide laissé dans la loi n°31-08 qui dispose :
« Quiconque abuse des besoins, des passions ou de l'inexpérience d'un mineur de vingt et un ans ou de tout autre incapable ou interdit, pour lui faire souscrire à son préjudice, des obligations, décharges ou autres actes engageant son patrimoine, est puni de l'emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 120 à 2 000 dirhams.
La peine d'emprisonnement est d'un à cinq ans et l'amende de 250 à 3 000 dirhams si la victime était placée sous la garde, la surveillance ou l'autorité du coupable. »
Cette approche ne pourrait pas être adoptée, notamment, parce que l’abus de faiblesse ou d’ignorance ne peut pas avoir le même sens dans l’article 184 de la loi n°31-08 édictant des mesures de protection du consommateur et dans l’article 552 du code pénal, à en juger par le contenu des deux dispositions.
Comment apprécier la faiblesse ou l’ignorance objet de l’abus ? Cette faiblesse ou ignorance doit-elle provenir exclusivement de l’âge, de la maladie, de l’état psychologique ou psychique du consommateur ou aussi s’appuyer, comme c’est le cas dans certaines législations, notamment française, sur les circonstances d’urgence, de l’impossibilité de consulter des hommes de l’art avant de s’engager avec un fournisseur ?

II. La détermination du régime juridique prévu pour sanctionner les actes issus d’un abus de la faiblesse ou de l’ignorance du consommateur

a) Sur le plan civil, est réputé nul par la force de la loi, tout engagement né d’un abus de faiblesse ou d’ignorance du consommateur, lequel se réserve le droit de se faire rembourser les sommes payées et d’être dédommagé pour les préjudices subis ;
b) Sur le plan pénal, la sanction prévue, pour réprimer l’abus de faiblesse ou d’ignorance consiste en un emprisonnement de 1 mois à 5 ans et en une amende de 1200 à 50.000 dirhams ou en l’une de ces deux peines seulement. Si le contrevenant est une personne morale, il est puni d’une amende de 50.000 à 1.000.000 dirhams.

En conclusion, il est possible de souligner que l’infraction « abus de faiblesse ou d’ignorance » a toujours posé des problèmes en France, du fait de la coexistence dans l’ordre juridique français de deux conceptions de cette infraction ; l’une adoptée par le code pénal et l’autre par le code de la consommation. Cet excès de précision dû à la dualité de la conception a engendré, en droit français, une confusion qui n’a pas manqué d’être dénoncée par la doctrine. Ne peut-on soutenir que l’approche législative entérinée, dans la loi n°31-08 sur les mesures de protection du consommateur, en matière d’abus de faiblesse ou d’ignorance, risque de donner lieu à une confusion par excès inverse en droit marocain ?

 Par Ahmad Faiz